19/09/2009

Fin à part


"Il s'agit de mon cœur je vous le dit tout de suite
Sans doute ce vieil abat vous passionne à demi..."Pierre Perret

Elle : Ca va?

Lui : Non. On va se poser quelque part?

Elle : Au Parc Monceau alors.
A voir ce qu'il tient dans sa main, elle connait déjà la suite de l'histoire. Elle devine en une demie seconde tout ce qu'il dira, la seule chose qui la surprend un peu c'est le banc qu'il choisit. Le plus proche de la sortie, le banc le plus exposé à tous. Il s'assoit, elle aussi.

Lui : J'ai beaucoup réfléchi.

Elle : Lui avait laissé du temps pour ça, longtemps de silence, si longtemps de silence qu'elle avait cru qu'il lui avait volé pour la trahir. Elle savait déjà que c'était une idée de taré, mais elle a toujours été tarée. ..

Lui : Au début je voulais rester avec toi et puis je me suis dit que ça ne servirait à rien, qu'on n'arrêterait pas de se disputer.

Elle: Il est agité et fume, lui souffle au visage, déjà il ne fait plus attention à elle. Elle tousse. Il remue sa main devant la fumée et cette comédie de geste, ce "non" qu'il avait dit au début, comme s'il était obligé de montrer que ça n'allait pas, comme si, elle ne l'aurait pas deviné s'il n’exagérait pas sa peine, tout ça , ça l'agace. Avant qu'il ne parle, elle avait aboutit à la solution contraire: "peut-être, s'était-elle dit, qu'en supprimant les causes de ces cris sonores, de ses colères, de ses mots qu’il lui disait sans s'en rendre compte, peut-être qu'ils trouveraient une solution." Mais il fallait se battre encore, et elle sait à présent qu'elle ne peut plus. Elle sait que les disputes sont une excuse, mais comme toujours, comme toujours quand on doit dire la fin, comme toujours, on ne dit pas la vérité, elle n'osera pas elle-même la dire plus tard entièrement. Puis elle parle, elle dit : Tu as rapporté la Guitare. Si tu veux je te la laisse comme je te dois de l'argent...

Lui: Non, je t'ai mis tes affaires que t'avais oublié et la pièce d'ordinateur qu'il te manquait.

Elle: J'ai l'argent si tu veux.

Lui: Non.

Elle: n'insiste pas, le regarde, elle sait qu'à sa place elle aurait dit la même chose, mais elle aurait voulu qu'il accepte pour ne rien lui devoir, jamais. Elle dit Tu n'as rien oublié que tu voudrais que je te rapporte? Elle connait déjà la réponse. Elle a fouillé avant de venir et s'est surprise à ne pas trouver une poussière qui fût à lui. Elle s'était demandée, devant le vide, depuis combien de temps il était parti.

Lui: Non.



Elle: Je vais y aller, je crois qu'on s'est tout dit. Puis elle dit quand même un peu de la vérité, ce bout de rien. Elle dit qu'elle est d'accord pour les disputes qu'elle ne pense pas que ça s'arrangera, elle ne ment plus, puisqu'elle sait maintenant, elle dit la vrai raison. Elle dit : Et puis tu m'aimes moins.

Elle n'ose pas encore dire qu'il ne l'aime plus, parce qu'elle ne sait pas, ne saura jamais, elle lui avait déjà dit une autre fois qu'elle le pensait. Il n'avait rien dit et l'avait serré fort comme pour le nier. A présent il ne dit rien, garde un visage impassible, il le sait lui aussi. Sait-il seulement que ça faisait des mois qu'elle gardait le secret?

Elle s'en va, lui dit quelques mots formels, un peu par méchanceté, un peu pour ne pas lui laisser le choix, ne pas pleurer, lui permettre à lui de croire, de seulement croire que ça ne lui a rien fait à elle. Arrivée à la bouche qui doit la mâcher et l'emporter, elle ouvre son téléphone efface l'un des premiers mots d'amour qu'elle lui avait donné. Efface le numéro qui lui correspondait. Puis descendant les marches, sans rien dire dans le silence absolu du vacarme, sans le vouloir, sans rien pouvoir y faire, pleure.

14/09/2009

Le bleu



Avant de se couper
Il pensait que son sang était bleu
Bleu, couleur de ceux qui restent
La fin laisse-t-elle seulement une trace?
Un moment, je supplie,
On parle de l'accélération du battement
De pupille dilatée à en devenir la nuit étendue
On parle de colère et de mouvements de corps
De bras déchirés dans les instants qui s'entrelacent
Enfin on parle de ce qu'il sait.
La certitude désormais de l'écarlate,
De la douleur et de la peur que rien ne tienne
La peur que le tout ne disparaisse à jamais, et pour toujours
Comme cent mots répétés par cent millions d'hommes, comme cent mots
Répétés jusqu'à perdre leur sens, comme cent mots insensés répétés
Cent millions de fois.
Mais tout se transforme, il parait que rien ne disparait.
Insensée, donc cette terreur de lui de ne pas pouvoir durer.
Un moment, je supplie,
Lui sourit. S'arrête dans sa course, me regarde et reprend.
L'apocalypse ou la Fin, la vrai,la terrible
Celle d'après la découvertes ,
Dans la demeure du rien, du vide, des trous noirs, du néant
De l'arrêt de l'esprit
De la déchéance du corps...Quoi? annonce-t-il
Je supplie encore.
Il pensait à voir par la transparence de sa peau en pâte de riz
Que son sang était bleu,
Il découvre enfin qu'il ne sait rien de lui,
Qu'il ne saura jamais rien,
Qu'il ne possède que des croyances, de la magie d'illusionniste,
Et bien sûr mon corps partagé ou offert, jamais vendu.
Il croit, il me crie qu'il croit," au moins en l'amour".
"Au moins en l'amour".
Un moment, je supplie
J'espère mais ne peut croire, il tient comme des ficelles ses veines bleues
Avec la certitude qu'il n'y a pas de vraie fin et des balivernes de croyances à découdre,
Puis la découverte , la découverte de l'écarlate qui ne le quitte plus,
L'écarlate qui file toujours plus vite, en looping jusqu'à l'aorte
Encore un peu de pompe à bleu, avant la fin, la disparition
Je supplie pour un moment, avant que l'illusion ne tombe,
Que même l'amour, que même l'amour... je supplie pour un moment
Avant la fin? non, la découverte...
Du rouge.